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Communauté rurale et affective de Bischheim
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Communauté rurale et affective de Bischheim
5 décembre 2005

Maudits esprits

Maudits esprits

mes_photos00034Elle le regardait s’activer.

Il avait déjà cherché le pain aux premières heures du jour et lu "

La Montagne"

à la recherche d'un marché dans le coin... La brume ne s'était pas encore levée et on ne distinguait pas les vaches dans le pré devant la maison. 

Il posa sur la table, face à elle, une tasse. Puis, il alla chercher le café dans un petit placard près de la fenêtre. Enfin, il remplit la bouilloire qu’il posa sur le feu et revint s’asseoir juste en face d'elle. Il ne disait rien. Elle non plus. Un long silence planait au-dessus d’eux. Chacun avait les yeux rivés sur le fond de leur tasse vide. Elle ne pensait à rien d’ailleurs, préférant se laisser porter par une infime angoisse, une impatience tranquille. Les esprits de la maison s'étaient encore manifestés pendant la nuit...mais inutile d'en parler, il ne la croirait pas. Comme d’habitude !


Un sifflement la réveilla. La bouilloire !

Et il restait là, assis en face d'elle, les yeux toujours au fond de la tasse. Pourtant, il devait bien entendre l’appel de l’eau qui boue. Et elle se sentait désormais comme cette eau dans la bouilloire, en ébullition !!! Quand allait-il se décider à la prendre et à l’amener près d'elle pour qu’elle la lui arrache des mains prétextant de se servir elle-même et, enfin, pouvoir lui asséner le coup fatal ? Quand ?

C’est alors qu'il leva les yeux et lui posa la question assassine : « A quoi penses-tu ? »

Elle ne pouvait pas lui répondre, bien sûr ! Cela aurait gâché la surprise. Et ce sifflement strident qui lui rappelait sa funeste pensée. Maudite bouilloire !
Il attendait une réponse...

Et si elle se levait et allait elle-même la chercher cette maudite bouilloire. Elle n’aurait plus qu’à se retourner légèrement et frapper d’un coup sec. Voilà ce qu’elle devait faire ! Et pourquoi la bouilloire, d’ailleurs ? Ce vase en verre posé sur le coin de la table pourrait très bien faire l’affaire et ce serait quand même plus élégant. Le dire avec des fleurs. Cette pensée la fit sourire. Un sourire qui la trahit. Un sourire noyé dans le silence angoissant de l’attente. De ce sourire, chacun y vit un espoir.

Il se leva soudain, prit la bouilloire et s’approcha d'elle.

Le café fumait dans les tasses.

Son regard l’avait troublée lorsqu’il s’était avancé vers elle. Elle pouvait encore lire de l’amour dans ses yeux. Cela dépassait, en intensité, ce qu’elle avait éprouvé lorsqu’elle s’était imaginé lui planter sa faucille dans le ventre. Et vlan ! C’était lui qui, à l’instant, venait la fusiller, la poignarder, la tuer. Simplement d’un regard. Elle ne pouvait lui en vouloir. Comment lui en vouloir ? Elle ne pouvait le haïr. Pas lorsqu’il la regardait comme ça. Elle oublia alors en un instant ses funestes pensées et cette maudite bouilloire ! Quelques minutes plus tôt et il aurait été trop tard. Sans ce sourire elle aurait perdu ce qu’elle aimait le plus : ce regard chaleureux et doux qui lui apaisait le cœur et lui redonnait le goût d’aimer.

Une heure plus tard, ils sortirent se promener sur le chemin, le long de l'étang. L’air était frais et vivifiant. Le soleil poursuivait nonchalamment son voyage quotidien.

Les esprits de la maison ne se manifestent pas le jour... elle en parlera une nuit au Maître des lieux, lui il la croira.




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